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À la mémoire de Georges Deicha

(1917 - 2011)

par Cyril Deicha[1],

 

Il y a cent ans naquit Georges Deicha. Il fut chercheur-géologue, artiste-médailleur, enseignant et pionnier des inclusions fluides.

 

Géologue de terrain, Géologue de laboratoire

Georges Deicha entra au CNRS dès sa création en 1945. Déjà encouragé par Alfred Lacroix pendant ses études à la Sorbonne, il avait entrepris l’étude de la cristallisation du gypse du bassin parisien, ce qui devint son sujet de thèse d’Université. Il remarqua le déséquilibre cristallogénétique[2] et découvrit l’importance des inclusions[3]. Il prit le parti de s’orienter vers cette spécialité alors peu développée et même décriée.

C’est au sein du Laboratoire de Géologie appliquée de la faculté des Sciences de l’Université de Paris situé au 191, rue Saint-Jacques à Paris sous la direction du Professeur Louis Barrabé[4], qu’il mit au point différents moyens techniques permettant d’identifier, d’observer et d’analyser les inclusions, notamment des appareillages permettant un diagnostic rapide sur le terrain. C’est ainsi qu’il perfectionna la décrépitoscopie et qu’il mit au point vers 1950 les essais par écrasement[5], en concevant un outil permettant de détecter rapidement, même sur le terrain, la présence d’inclusions gazeuses dans un échantillon de la taille d’un grain de sable. La « surplatine à écrasement » commercialisée par Nachet fit connaître les inclusions gazeuses à de nombreux étudiants et chercheurs de terrain.

 

Chercheur

Son livre sur «Les lacunes des cristaux et leurs inclusions fluides» (1955) fit date car ce fut le premier ouvrage français traitant spécifiquement des inclusions[6]. Georges Deicha y présente, illustrations à l’appui, les nouvelles techniques et appareillages ainsi que les résultats obtenus. Par la suite, il continua à prendre l’initiative d’appliquer des nouvelles méthodes d’investigation avec par exemple, dès 1962, la fractographie électronique (MEB) en collaboration avec Cl. Sella[7]. Parmi ses thèmes préférés de recherche figurent d’abord le déséquilibre cristallogénétique, puis les lacunes de croissance et les inclusions fluides et enfin les reliquats magmatiques.

 

Enseignant

deicha 3Georges Deicha participa notamment aux enseignements du troisième cycle de Métallogénie à Paris (où il développa des applications à l’étude des minerais et de leurs gangues) et de Pétrographie à Orsay. Dès 1968, plusieurs thèses furent initiées ; parmi les premières furent celles de J.-C. Touray (inclusions gazeuses), Ch. Sabouraud-Rosset (inclusions aqueuses) et R. Clochiatti (inclusions vitreuses)[8].

Georges Deicha termina sa carrière au CNRS en tant que Directeur de Recherches de classe exceptionnelle. Il continua encore de nombreuses années à suivre l’actualité scientifique, gardant le contact avec ses élèves et confrères notamment à travers des sociétés savantes et continuait à publier. Georges Deicha était un conférencier prisé. La communauté scientifique l’invitait volontiers à s’exprimer sur des sujets variés[9]. Ainsi, il présida un colloque d’histoire des Sciences en 1983 à Grenoble[10], et participa au congrès du CTHS en 1994[11] et 1996[12]. Son engagement bienveillant pour la diffusion de la culture scientifique fut également apprécié[13].

 

Sculpteur

Très engagé au sein de la Société Géologique de France (il fut élu vice-président en 1955), il réserva au Bulletin bon nombre de ses publications. Mais en plus de son activité scientifique, il joua aussi un rôle peu ordinaire dû à ses talents de sculpteur-médailleur. En effet, il créa notamment les médailles et autres bas-reliefs commémoratifs à l’effigie de scientifiques célèbres. Certaines de ces médailles (frappées en bronze par Arthus-Bertand) furent associées aux prix de la Société Géologique de France. Elles figurent même en vignettes sur le site internet actuel de la SGF[14]. Parmi son œuvre, on peut énumérer les portraits de Valérien Agafonoff, P.N. Milioukov, Léon Bertrand, Ami Boué[15], Louis Barrabé, Pierre Pruvost, Raymond Furon.

 

Honoré par les sociétés savantes

deicha 4Président de la Société française de Minéralogie et de Cristallographie en 1975[16], sa notoriété internationale lui valut d’être élu membre d’honneur de nombreuses institutions du monde entier : Société américaine de minéralogie[17], Société allemande de minéralogie[18], etc. En 1995, la Société Géologique de France lui décerna le Prix Gaudry pour l’ensemble de son œuvre[19].

Enfin, quand en 1999, à l’âge de 82 ans, il reçut l’honorariat de la Société Russe de Minéralogie et de Cristallographie [20], il tint à se faire remettre son diplôme au siège de la SGF[21], un symbole touchant de son attachement à ses confrères parisiens.

 

Pionnier des inclusions

En 1960, lors du congrès international de géologie à Copenhague, Georges Deicha rencontra d’autres pionniers des inclusions fluides, en particulier Edwin Roedder[22] de Washington et Nicolas Ermakov[23] de Moscou qui, comme lui, s’étaient lancés dans ces recherches, quasi simultanément mais indépendamment les uns des autres. Ils décidèrent alors d’entamer une collaboration en créant la « commission des fluides minéralisateurs dans les inclusions » (Commission on Ore-Forming Fluids in Inclusions : COFFI). La collaboration se déploya en 1962 au congrès de Washington, et, les inclusions fluides devinrent un thème reconnu par tous. En outre, par ses connaissances linguistiques, Georges Deicha assura la communication à l’intérieur du groupe (E. Roedder ne connaissait pas le russe, N. Ermakov ne parlait pas l’anglais) et contribua à sa cohésion.

En 2003, le Comité Français d’Histoire de la Géologie, sous la plume de M. Dubois souligne que «G. Deicha, en France, F.Gordon Smith au Canada et E. Roedder, aux Etats-Unis, ont, grâce à leur acharnement remis les inclusions fluides au rang des techniques de minéralogie de premier plan[24].

 

L’héritage scientifique de Georges Deicha

En 1995 J.H. Brunn écrivait dans son rapport « On constate que les recherches de G. Deicha, d’abord solitaires, ont débouché sur une discipline à part entière, qui a trouvé des applications dans tous les domaines des Sciences de la Terre, et à laquelle plusieurs milliers de publications ont été consacrées[25] ». L’expression « méthode Deicha » est utilisée de nos jours dans la littérature russe notamment[26]. A partir de la COFFI, dont il était l’un des trois pères-fondateurs, se développa un grand intérêt dans la communauté scientifique pour les recherches sur les inclusions fluides.

En cette année du centennaire de la naissance de Georges Deicha, sa mémoire sera évoquée à diverses occasions, notamment lors du congrès européen des recherches sur les inclusions[27].

La Société Géologique de France se doit de s’associer à cet hommage.

 


[1] Membre du Conseil de la Société Européenne de Physique . cd@nwf.li

[2] DEICHA,G., Aperçu sur les domaines du déséquilibre cristallogénétique. Bull. Muséum, (1947), 2e sér., 243-48.

[3] DEICHA,G., Observations préliminaires sur une recherche pétrographique systématique des inclusions. C.R.somm. Soc.géol.Fr., (1950), 57,59.

[4] Photo 1 : Médaille Louis Barrabé

[5] DEICHA,G., Essais par écrasement de fragements minéraux pour la mise en évidence d’inclusions de gaz sous pression. Bull.Soc.franç.Minér. Crist.,(1950),LXXII,439-45,1fig.

[6] Deicha G. (1955) Les lacunes des cristaux et leures inclusions fluides, signification dans la genèse des gîtes minéraux et des roches. In 8°, 126 p., 13 Fig., , 12 Tab., Masson &Cie Paris 1955

[7]  http://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=smp-001:1970:50::682

[8] DEICHA, G. Notice de titres et travaux. Polycopié Paris 1968

[9] Photo 2 : Georges Deicha

[10] http://www.sudoc.fr/001156535

[11] http://cths.fr/ed/edition.php?id=392

[12] http://cths.fr/ed/edition.php?id=62

[13] http://www.saga-geol.asso.fr/Infos_pratiques_page_organisation_membres_honneur.html,

[14] http://www.geosoc.fr/les-prix/63-propos/les-prix/liste-des-prix-sgf/111-prix-barrabe.html

http://www.geosoc.fr/les-prix/distinctions-prix/63-propos/les-prix/liste-des-prix-sgf/109-prix-leon-bertrand.html

http://www.geosoc.fr/propos-html/les-prix/distinctions-prix/63-propos/les-prix/liste-des-prix-sgf/102-prix-prestwich.html

http://www.geosoc.fr/propos-html/les-prix/distinctions-prix/63-propos/les-prix/liste-des-prix-sgf/108-prix-viquesnel.html

[15] Photo 3 : Médaille Ami Boué

[16] Bull. Soc. Géol. de France ;Tome 167 n°1 ; 1996 lettre sem. Déc 1995 p.14.

[17] http://www.minsocam.org/ammin/AM52/AM52_595.pdf

[18] https://de.wikipedia.org/wiki/Deutsche_Mineralogische_Gesellschaft

[19] http://www.geosoc.fr/les-prix/distinctions-prix/63-propos/les-prix/liste-des-prix-sgf/101-prix-gaudry.html

[20] http://www.minsoc.ru/members/honor#foreign

[21] Photo 4 : Remise de diplôme au siège de la SGF - 1999

[22] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0009254106004918

[23] http://ore.geol.msu.ru/page/24.html

[24] http://www.annales.org/archives/cofrhigeo/dubois1.html

[25] BRUNN,J.H., Rapport pour l’attribution du Prix Gaudry 1994-1995. SGF (Manuscrit)

[26] http://megapaskal.ru/termometriya/618-metodika-dejsha.html

[27] Deicha C. « Georges Deicha pionneer of fluid inclusions » Abstracts ECROFI 2017 Nancy (sous presse)