Alain Perrodon, 1922-2020,
Une carrière exemplaire d’Ingénieur-Géologue,
Un Humaniste, un Maître de la Géologie Pétrolière…
Alain Perrodon est né à Angers le 12 août 1922, il s’est éteint à Versailles le 24 mars 2020, alors qu’il était dans sa quatre-vingt dix-huitième année.
Il était veuf depuis février 2019, père de deux filles, grand-père de quatre petits-enfants et avait connu le bonheur d’être cinq fois arrière-grand-père.
Les études universitaires, le contexte professionnel
Après son baccalauréat obtenu en 1940 dans les conditions difficiles du début de la seconde guerre mondiale, Alain Perrodon a commencé ses études universitaires à Caen en Normandie, son terroir d’enfance. Il dut les interrompre brutalement en raison de sa déportation pendant deux années au STO en Allemagne.
Il les reprit en 1945, à son retour à la fin de la guerre, par une licence ès sciences qu’il obtint en 1946 à Paris-Sorbonne (3 certificats en section spéciale).
Il décida d’embrasser une carrière d’ingénieur-géologue, après avoir obtenu en 1947 le diplôme de l’ENSG (École Nationale Supérieure de Géologie) (appelée à cette époque École Supérieure de Géologie Appliquée et de Prospection minière de Nancy et qui recrutait sur titres), puis en 1948 celui de l’ENSPM (appelée à cette époque École Nationale Supérieure du Pétrole et des Combustibles Liquides et située à Strasbourg, nommée maintenant IFP « School » et localisée à Rueil -Malmaison).
Ce choix de carrière professionnelle, cette vocation, s’est forgé au sortir de la seconde guerre mondiale, à l’heure où le Général de Gaulle avait contribué à créer en 1945 le Bureau de Recherches Pétrolières (BRP), sous l’impulsion de Pierre Guillaumat.
La création de ce BRP fédérateur visait surtout à renforcer la puissance technique et financière de certaines sociétés pétrolières (RAP (fondée en 1939) SNPA (fondée en 1941), SNPLM, etc…) et d’en créer d’autres dans le si vaste empire colonial français (SPAEF, SN-REPAL, Chérifienne des Pétroles, etc…)
Ces compagnies avaient pour objectifs principaux d’assurer la sécurité, la pérennisation et l’indépendance de l’approvisionnement en hydrocarbures de la France ainsi que de ses colonies de l’époque.
Elles joignaient ainsi leurs efforts à ceux de leur devancière la CFP, créée dans les années 1920, Compagnie Française des Pétroles, maintenant Total, la « Major » française qui les a toutes implicitement absorbées à la fusion de TotalFina avec Elf Aquitaine en 2000.
La carrière professionnelle
Alain a été recruté en 1948 comme ingénieur-géologue d’exploration pétrolière par la SN REPAL, Société Nationale de Recherches et d’Exploitation Pétrolière en Algérie, une de ces compagnies nouvellement installées, filiales du BRP.
Basé à Relizane, il a commencé par faire une étude géologique et pétrolière du Bassin néogène du Chélif (ou Oued Chelif) au nord-ouest de l’Algérie, en Oranie.
Cette synthèse réalisée pour SN-REPAL avec son fidèle collègue Claude Tempère (qui le suivra ensuite toute sa carrière) a débouché sur une thèse de doctorat d’État en sciences naturelles.
Mené à partir de l’étude des affleurements de surface et des données des forages disponibles, ce travail se focalisait plus spécifiquement sur les notions de passage latéral de litho-faciès et de subsidence.
La thèse a été soutenue à l’Université de Nancy en 1957 et a été publiée la même année dans le Bulletin du Service de la carte géologique de l’Algérie (N°12): « Étude géologique des bassins néogènes sublittoraux de l’Algérie occidentale ».
Alain Perrodon se verra proposer à cette occasion par le Directeur de l’ENSG, Marcel Roubault, la chaire de stratigraphie-paléontologie de l’Université de Nancy qu’il déclinera pour rester dans son métier de d’ingénieur pétrolier où il s’épanouissait professionnellement.
Alain a perçu assez vite l’absence de potentiel pétrolier économique du bassin côtier du Chélif, une déception professionnelle qu’il avouera plus tard comme marquante…
Cette première expérience a véritablement fortifié sa formation (sa vocation en tous les sens du terme) académique et industrielle. Il a ainsi démontré une grande capacité de synthèse orale et écrite et il s’est construit professionnellement précisément sur ces acquis méthodologiques.
Il a aussi étudié le Bassin de l’Ougarta dans la partie nord-ouest du Sahara, en y levant notamment la première coupe litho-stratigraphique du Paléozoïque, niveau au sein duquel se situent certains des réservoirs pétrolifères de l’Algérie.
Il est passé à des tâches plus opérationnelles en base à Alger-Hydra à partir de 1954 (Chef du secteur Sahara), les travaux de terrain, de forage et de géophysique étant réalisés sur des permis du sud et du centre de l’Algérie, principalement en domaine saharien.
Il fut nommé en 1954 adjoint du Directeur de l’exploration des hydrocarbures de ce pays pour la SN REPAL (quelle ascension en seulement 7 années…) au moment, notamment l’année 1956 si prolifique, où sont découverts les gisements géants d’Hassi Messaoud (huile) et d’Hassi R’Mel (gaz) à partir des résultats des méthodes balbutiantes de sismique réfraction et réflexion.
La France en mettant en production Hassi Messaoud couvrira ses besoins de l’époque en pétrole à 45%.
C’est une véritable épopée au cours de laquelle Alain, si plein de sagesse et d’intuition, sera un pilier de raison et d’intelligence; d’aucuns le baptiseront d’ailleurs avec humour, mais grand respect, le Révérend Père Odon…
Ces deux champs algériens, immenses, qui produisent encore aujourd’hui, se situent dans des quartzites du Paléozoïque (Hassi Messaoud) et dans des grès du Trias inférieur (Hassi R’Mel), réservoirs parfois hétérogènes et difficiles, dont les équivalents peuvent être décrits avec détail sur les affleurements sahariens dont certains étudiés par lui et voici là un premier message que délivre Alain Perrodon : l’affleurement, la géologie de surface.
En 1952 il avait participé notamment à une mission de terrain, mémorable à dos de chameau, dans l’Adrar de Mauritanie en compagnie de Théodore Monod et de Haroun Tazieff.
Effectivement, c’est avec sa thèse, cette première leçon que nous offre notre collègue Alain Perrodon: la consécration de la géologie de terrain comme fondement de toute analogie pour explorer et analyser ensuite avec rigueur la subsurface: le marteau d’abord…
Suivant cette première phase algérienne, il intègre en 1958, après avoir hésité (dixit par rapport à un poste offert à la CFP), le siège du BRP où il se retrouve basé à Paris, après un poste d’adjoint au Directeur Exploration Raymond-Georges Levy (ENSG 1935), en réalité il est le responsable de la géologie pétrolière et des études géologiques: l’esprit aussi, comme le veut cette belle devise qu’il chérissait tout particuliérement: « mente et malleo ».
Alain continue à tracer sa route, il sera sollicité par Francarep et par le BRGM, sans succès.
- En 1967, il prend part à l’épopée de la création du Groupe Elf, avec en première étape la fondation de l’ERAP (Entreprise de Recherches et d’Activités Pétrolières) en septembre 1966, pour regrouper la RAP (Régie autonome des Pétroles) qui avait développé le champ de Saint-Marcet découvert le 14 juillet 1939 par le Centre de Recherche Pétrolière du Midi, la SNPA (Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine) qui avait découvert les gisements de pétrole et de gaz de Lacq supérieur et de Lacq profond en 1949 et 1951 respectivement et le BRP (qui regroupait toutes les participations de l’Etat dans ces sociétés).
Le 27 avril 1967, les « ronds rouges » arrivent (c’est la campagne publicitaire de lancement de la nouvelle marque ELF choisie par l’ERAP) et Alain Perrodon intègre naturellement ce nouveau groupe, il en est le chef de la Division Géologie.
A ce titre, il propose à la Direction de la Recherche Scientifique et Technique de l’amont pétrolier, nouvellement créée, des idées vraiment novatrices, par exemple des analogies pour les carbonates, en particulier des études d’affleurements actuels de calcaires aux Bahamas (une notion actualiste qui sera reprise par beaucoup par la suite).
De même il pousse pour l’utilisation des ordinateurs tant pour la masse des données sismiques à traiter que pour les données géologiques à synthétiser et à trier.
Il argumentait très simplement sur ce sujet auprès de son management que les Sciences de la Terre ce sont par définition de la classification et des données (aujourd’hui le terme de « Big Data » serait utilisé), les ordinateurs devant donc en être implicitement des outils privilégiés. Au cours de cette période il sera de nouveau sollicité pour prendre le poste de Chef-Géologue de la SNPA, pour raisons personnelles il laisse la place à Henri Radier (ENSG, 1948).
En 1977, l’ERAP décide de fusionner complètement toutes les sociétés placées dans son giron et devient le groupe Elf Aquitaine.
Alain Perrodon est alors nommé Directeur de la Géologie de sa filiale Exploration-Production, la SNEA (P) (Société Nationale Elf Aquitaine (Production)), Henri Radier en devenant le Directeur de l’Exploration.
En 1981, il devient Conseiller Exploration du Groupe Elf Aquitaine.
C’est pendant cette période et jusqu’à sa retraite en 1987, et encore par la suite, qu’il va faire donner à plein sa puissance de synthèse et de compréhension des composantes techniques de l’exploration pétrolière.
Il fut l’un des premiers à comprendre l’importance de la tectonique des plaques comme concept fédérateur, tissant des branches entre spécialités géologiques jusqu’alors beaucoup trop dispersées. S’appuyant sur les méthodes et résultats fournis par les géophysiciens, il fut alors possible d’élaborer un cadre structuro-sédimentaire unifié à la géologie pétrolière : le bassin sédimentaire. Il en définit avec brio, contenant et contenu (la trilogie « roches-mères, couvertures et magasins ou réservoirs »), géodynamique, dynamique et taux de sédimentation comme moteur de la génération et des mouvements de fluides.
Il a ainsi ouvert, sans le savoir, la voie à la modélisation qu’il a promu ensuite au sein de Elf Aquitaine tant en recrutant des spécialistes qu’en travaillant avec ceux des contracteurs.
Le Professeur de Géologie
Il a mis son savoir nouvellement acquis et fortifié dans les domaines pétroliers tout d’abord au service de son École d’origine (ENSG), en devenant dès 1957 l’enseignant de référence du cours de Géologie du Pétrole, travail qu’il poursuivra inlassablement jusqu’en 1991. Il a ainsi formé durant ces 35 années des centaines d’Ingénieurs-Géologues et contribué à l’excellence de cette formation unique au Monde car elle combine et imbrique complètement des raisonnements et concepts décisionnels naturalistes et les Sciences de l’Ingénieur.
Il rejoint donc ainsi ses pairs, les grands anciens de l’ENSG, Pierre Blazy, André Bernard, Jean-Claude Samama entre autres, mais surtout Marcel Roubault, normalien, célèbre créateur et Directeur de l’ENSG, qui était comme lui si rigoureux et si visionnaire !
A ce poste de Géologue principal et de référent en géosciences qu’il occupe donc durant près de 20 ans, Alain Perrodon est aux premières loges pour décider et pour influencer le recrutement de nombreux ingénieurs-géologues notamment de Nancy dont il façonne, adapte, modernise de façon pluri-disciplinaire avec son équipe la formation pétrolière et l’envol professionnel au sein du groupe Elf Aquitaine. .
Alain a aussi dispensé des cours pour les Universités de Paris, de Bordeaux et de Besançon et est intervenu à nombreuses reprises dans des conférences ayant trait à la géologie.
En 1987, arrivé au terme de sa carrière, à 65 ans, il opérera une reconversion courte comme expert auprès de Petroconsultants le célèbre contracteur, éditeur d’informations pétrolières, devenu depuis lors IHS Markit. Il y fera quelques missions d’enseignement et d’expertise en Albanie, Mexique, au Maroc et en Tunisie.
Le Concepteur et le Visionnaire
Alain ne s’est pas contenté de former, de recruter et aussi d’écouter.
Il a cherché et synthétisé patiemment les concepts géologiques et pétroliers.
Il a élaboré principalement celui de Système Pétrolier dont il énonce ainsi le fondement au début des années 1980:
« le système pétrolier correspond à la séquence dynamique de tous les éléments géologiques combinés qui, à partir d’une roche-mère et en utilisant le même système de plomberie : les chemins de migration, vers des couples réservoirs et couvertures (les thèmes pétroliers) conduit à la formation d’une famille de champs (hydrocarbures accumulés) génétiquement liés ».
Cette phrase, précise, dont tous les mots sont ciselés et pesés, résume complètement ce qu’est un système pétrolier et comment on doit l’appréhender comme guide séquentiel de toute la démarche d’exploration pétrolière.
Les Écrits
Alain est aussi un formidable auteur, un écrivain au vrai sens du terme.
Il a permis ainsi de mettre en exergue les résultats exceptionnels de l’Ecole française de géologie pétrolière pendant les « 30 glorieuses ».
Son sens de l’empathie teinté d’une grande élégance, sa puissance de travail, son ouverture au monde et à ses problématiques, son esprit aigu d’analyse, de compilation et de synthèse, sa volonté de convaincre sans imposer, son humanisme tout bonnement, ont fait merveille pour cela.
En 1966 il publie le livre « Géologie du Pétrole » aux P.U.F., la bible du « géoscientiste » pétrolier de l’époque, plus tard viendront en 1983 « Geodynamics of Oil and Gas accumulations » et son équivalent en français en 1980 : « Géodynamique pétrolière », aux Editions Elf Aquitaine ; puis « l’Histoire des grandes découvertes pétrolières » en 1985, toujours aux Editions Elf Aquitaine.
Dans ces deux œuvres il explique en détail et il étend ce concept de système pétrolier.
De grands noms américains comme Leslie Magoon de l’USGS (United States Geological Survey), Wallace.G. Dow (consultant), le rejoignent pour développer et enrichir le concept.
En 1987, il écrit « Profession Géologue Pétrolier » toujours aux Editions Elf Aquitaine, en 1989, « Le Pétrole à travers tous les âges » aux Editions Boubée et en 1990, « L’Homme et le pétrole » aux Editions Le Léopard d’or (Museum de Lyon).
Avec ses anciens collègues André Morange et Francis Héritier à l’heure où leur retraite a sonné, il écrit les « Grandes Heures de l’Exploration pétrolière du Groupe Elf Aquitaine » aux Editions Elf Aquitaine, en 1992.
Enfin il publie un livre plus visionnaire en 1997, ré-édité en 1999, « Quel Pétrole demain ? » aux Editions Technip.
Alain considérait qu’écrire maintient l’esprit et conserve tout simplement le plaisir de vivre et il n’a cessé pour cela de rédiger et de publier des articles de façon éclectique mais toujours dans ce domaine pétrolier qui lui tenait tant à cœur.
Pour cela et à 90 ans sonnés, il continuait à se rendre à la Bibliothèque de la Tour Coupole (Total), pour emprunter ou lire sur place des ouvrages et préparer ses propres écrits (ses essais, comme il aimait à dire).
En parallèle Alain continua de pratiquer la bicyclette et d’exercer ainsi, autant son physique que son intellect.
Les Associations Professionnelles
Au-delà de l’écrit (et nombreuses sont donc ses autres publications pour diverses revues, bien trop longues à citer en détail), Alain Perrodon, grâce à son évidente notoriété, sa gentillesse, sa simplicité, son empathie ainsi que son dévouement, s’est aussi énormément consacré aux sociétés professionnelles.
Il a rejoint bien évidemment, aussitôt diplômé, l‘Association des Anciens Elèves de l’Ecole Nationale Supérieure de Géologie et de Prospection Minière dont il fut de tout temps un ardent adhérent très impliqué, défenseur intransigeant et même son huitième Président, de 1971 à 1977. Cette Association d’Anciens élèves a pris en 2019 le nom de Géoliens Alumni ENSG, site web https://www.geoliens.org
En 1965, il a co-fondé l’UFG ou Union Française des Géologues, avec son ami Georges Bigotte du CEA (Georges était aussi un ancien de l’ENSG, promotion 1949, disparu en 2015) ainsi qu’avec Jacques Guillemot de l’ENSPM.
Alain Perrodon devint le premier président de l’UFG, de 1965 à 1968.
L’UFG a fusionné par la suite en 2008 avec la SGF (Société Géologique de France), site web : https://www.geosoc.fr/
De 1966 à 1970, Alain a été le vice-président du Comité Français de Stratigraphie (CFS).
De 1975 à 1980, il a aussi présidé le Comité National Français de la Géologie (CNFG).
Il était aussi membre du Comité national du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique).
En 1980, Alain a été nommé Président de la SGF, au moment de la célébration du cent-cinquantième anniversaire de la création de cette société savante (cf Livre jubilaire SGF 1980) ainsi que du 26ème Congrès Géologique Mondial tenu à Paris.
Il a continué d’écrire très longtemps des articles dans Géologues, la revue de la SGF et dans Ingénieurs-Géologues, le bulletin semestriel de Géoliens Alumni ENSG.
Il retraçait par exemple en 2017 la création et l’épopée de cette revue Géologues qu’il avait créée cinquante ans auparavant et synthétisait en 2019 ses approches des hydrocarbures non-conventionnels (huile et gaz de schistes, plus correctement les hydrocarbures de roches mères) auxquels il consacra les dernières années de sa vie intellectuelle, remettant d’ailleurs en cause ce qu’il avait pu écrire auparavant sur la teneur en hydrocarbures retenus dans les roches mères ou systèmes générateurs du pétrole
Cette capacité, rare, à l’autocritique devrait être un exemple pour tous les géologues, qu’ils soient pétroliers ou non.
Très tôt (1957), Alain s’est engagé dans l’activité syndicale des cadres, preuve encore de son dévouement ainsi que de sa sincérité humaniste.
Alain fut aussi un membre très actif de l’AVAS, Association Volontaire des Actionnaires Salariés de Elf Aquitaine puis de Total, pour laquelle il écrivait aussi des articles pédagogiques et des comptes-rendus pétroliers au service du grand public.
Il en fut aussi l’un des administrateurs.
Alain fut aussi un membre assidu de l’Association des Retraités de l’amont pétrolier de Elf Aquitaine/Total.
Plus récemment Alain Perrodon était aussi devenu un membre actif de l’ASPO France (Association pour l’étude des pics pétrolier et gazier), dès le démarrage de cette Association, fondée en 2006 sous la houlette de Jean Laherrère, son président actuel.
Alain Perrodon est, en effet, parmi les premiers à avoir observé avec crainte, les rendements extrêmement décroissants de l’exploration pétrolière conventionnelle, les nouvelles découvertes d’hydrocarbures ne compensant pas, loin s’en faut, la consommation planétaire d’hydrocarbures fossiles et donc il s’est aussi intéressé à cette notion de pic pétrolier, de production et de consommation.
Les récompenses professionnelles
Autant que ses écrits, ses interventions orales, ses responsabilités anonymes ou importantes au sein d’Associations professionnelles, il faut également souligner combien Alain a été reconnu par ses pairs et par différentes instances publiques ou privées pendant sa carrière.
En 1966, Il a obtenu le Prix Léon Bertrand de la SGF.
En 1980, Alain Perrodon a été décoré comme Chevalier de la Légion d’Honneur, au titre de ses services et missions menés au cours de sa carrière pour l’Industrie Pétrolière Française.
En 1992, il a été le lauréat du prestigieux Prix Marcel Roubault de l’UFG (SGF), prix exceptionnel qu’il avait créé lui-même en 1970 alors qu’il était à l’UFG, avec un leg initial de Marcel Roubault juste avant sa disparition.
En septembre 1995, lors de l’ICE de Nice en France (ICE : International Conference and Exhibition), l’AAPG (Association of American Petroleum Geologists), a décerné à Alain un « Distinguished Achievement Award » consacrant ainsi sa riche carrière et sa renommée mondiale. Cette distinction prestigieuse fut proposée au Comité des « Awards » de l’AAPG par son collègue Gérard Demaison, ancien de Chevron, devenu un grand spécialiste mondial des systèmes pétroliers, le concepteur par exemple du « Source Potential Index ».
En 2006, cette récompense a été complétée par un « AAPG Honorary Membership » remis aussi aux deux géologues qui furent célébrés avec lui en 1995, anciens Directeurs de l’Exploration, Bernard Duval de Total et Roel J. Murris de Shell.
Alain a été honoré en septembre 2008, juste retour des choses, pour l’ensemble de sa carrière exemplaire d’ingénieur-géologue lors des cérémonies du Centenaire de l’ENSG à Nancy qui ont rassemblé près de 1000 participants.
Il a participé à cette occasion à la traditionnelle remise des marteaux personnalisés aux élèves- ingénieurs de première année de la promotion diplômée par la suite en 2010.
Sur la photographie ci-dessous (Gala du Centenaire ENSG, 27 septembre 2008), Alain se trouve placé en haut à droite.
En mars 2013, c’est au siège parisien de Total (La Défense), Tour Coupole, que fut organisé à l’initiative de son ami Pierre-René Bauquis (ENSG 1964, ancien Directeur Stratégie et Planification de Total) un jubilé pour célébrer ses 90 ans.
Son discours du jour fut vraiment un modèle du genre, un testament professionnel.
Conclusions
En septembre 2018, c’est à l’occasion de la remise de leurs diplômes qu’Alain Perrodon a fourni avec force aux étudiants de troisième année de l’ENSG (promotion N°100, baptisée Jean-Paul Tisot, ancien Directeur de l’École) un vibrant témoignage, présenté dans cette séquence vidéographique :
Nous vous demandons d’en retenir l’extrait de deux messages essentiels qui sont contenus en quelques phrases, et ce pour terminer :
Mon expérience en quelque sorte me fait retenir deux points plus particuliers :
Le premier c’est la nécessité d’être optimiste dans la présentation des travaux, dans la croyance du succès de leur réussite, croyez-moi c’est plus agréable d’être optimiste mais il faut aussi être convainquant.
Ma seconde réflexion au fond c’est la continuité de la profession, nous sommes une grande chaîne qui a un passé et qui aura un futur.
Dans cette chaîne vous avez à disposition des moyens nouveaux qui vont vous permettre de résoudre des problèmes que nous n’avons pas su résoudre, mais vous profitez de notre expérience, ne négligez pas cette base d’acquis, l’équilibre dans cette affaire, c’est de faire la synthèse de l’innovation et de l’expérience et puis vous allez prendre de l’assurance, avoir des responsabilités plus élevées, accompagner des plus jeunes.
Et de ce côté-là n’hésitez pas à déléguer, à apprécier, à savoir dégager les candidats les plus aptes à prendre votre succession, à préparer votre héritage et ne pas attendre les processus administratifs pour passer progressivement la main.
Il faut faire confiance à la technique et il faut faire confiance aux jeunes.
Oui Alain, nous ne t’oublierons pas et nous nous consacrerons aussi longtemps que possible, à ta mémoire et à ton exemple d’humanisme, car dans cet univers, toujours plus avide d’énergies tant fossiles que renouvelables, ces dernières particulièrement dépendantes de minerais rares ou critiques, et dans ce monde toujours plus conflictuel que cela soit pour l’espace ou pour l’eau, ta vision globale des géosciences ne peut qu’être au cœur de notre futur, de nos préoccupations et de notre intérêt d’êtres humains.
Jean-Jacques Biteau (ancien Directeur de l’Arbitrage et du Portefeuille d’Exploration de 2009 à 2015) et Marc Blaizot, (ancien Directeur Géosciences-Réservoir puis Directeur de l’Exploration de 2008 à 2015), ingénieurs-géologues, promotion ENSG Nancy 1977, ayant fait toute leur carrière au sein du Groupe Total et ayant eu l’immense chance d’avoir Alain Perrodon comme Professeur de Géologie du Pétrole et d’avoir été ensuite recrutés par lui pour la Société Nationale Elf Aquitaine (Production).
Ce document a été établi à partir des très nombreux témoignages reçus lors de la disparition d’Alain ainsi que d’archives personnelles qu’il nous avait confiées.
Alain nous laisse de nombreuses publications, des livres comme indiqué plus haut et des essais qui pourront être un jour rassemblés et faire l’objet d’une célébration lors d’une conférence dédiée et dans un ouvrage écrit sur ce principe.
Certaines de ces notes peuvent être déjà téléchargées depuis le site d’ASPO France, via le lien suivant : https://aspofrance.org/2017/12/28/notes-alain-perrodon-2012-2017/
Jean-Jacques Biteau & Marc Blaizot