
Réf : GEOC94
De tout temps, l’homme a su que la Terre est une planète dont les colères effrayantes peuvent provoquer les plus grandes paniques. Rien n’est plus terrible que de sentir le sol se dérober sous ses pieds. La catastrophe provoquée par le très grand séisme de Sumatra du 26 décembre dernier nous l’a rappelé. Aujourd’hui, grâce à la tectonique des plaques, nous savons que ces mouvements sismiques ne sont pas le résultat de mouvements aléatoires mais qu’ils sont l’expression même de la vie de la Terre. En 1968, nous avons découvert que les mouvements des plaques sont à l’origine de l’activité sismique. L’étude des séismes est alors devenue indispensable à la compréhension de la tectonique active. Mais depuis deux décennies, l’amélioration spectaculaire de la précision des méthodes géodésiques a fait à son tour de la géodésie un outil indispensable à l’étude de la tectonique active. Et parmi les outils géodésiques, le GPS dont il est question dans ce numéro s’est progressivement imposé comme l’outil de base indispensable.
Dès lors qu’avec le GPS on peut désormais atteindre une précision de l’ordre du millimètre dans la mesure de la position d’un point, la gamme de problèmes qui peut être traitée par ce type de mesures devient très large, depuis la mesure globale du lent mouvement des plaques tectoniques jusqu’au suivi de glissements en masse menaçant des agglomérations en passant par la surveillance du glissement des failles sismiques. On a pu ainsi montrer que le modèle cinématique rendant compte du mouvement moyen des grandes plaques durant les trois derniers millions d’années, établi à partir des anomalies magnétiques marines, est compatible pour l’essentiel avec le mouvement moyen durant les dix dernières années obtenu par la géodésie. Ce résultat spectaculaire est en train d’être dépassé. On s’attache maintenant, en comparant les deux modèles, à détecter les changements qui ont pu affecter les mouvements de plaque dans les trois derniers millions d’années. On met ainsi en évidence par exemple un ralentissement très probable du rapprochement Afrique/Eurasie. On démontre également que les Alpes ne sont plus soumises à un raccourcissement et qu’en conséquence elles commencent à s’écrouler sous l’effet de la gravité. Dans tout le domaine très complexe des mécanismes qui précèdent, accompagnent et suivent les ruptures sismiques, le GPS est devenu un outil irremplaçable, en particulier grâce aux réseaux très denses de stations permanentes qui suivent la déformation en temps réel comme au Japon et en Californie du Sud. Mais tout ceci suppose une amélioration très importante des technologies de mesure qui ont elles-mêmes ouvert de nouveaux champs comme celui de la mesure des variations temporelles et spatiales de la ionosphère et celui de la détection de la propagation des ondes sismiques dans cette ionosphère. Il ne faut pas se cacher non plus qu’à ce niveau de précision les chercheurs détectent de nombreux mouvements transitoires du sol dont l’origine est loin d’être complètement élucidée.
Le dossier GPS que publie Géochronique n’a pas la prétention de couvrir la totalité de ce qui est devenu un immense domaine mais il apporte un excellent éclairage sur certains aspects clefs de ces recherches en cours. Je suis sûr que la plupart des lecteurs seront surpris de la diversité et de l’importance des résultats déjà obtenus. Personne en Sciences de la Terre ne peut plus ignorer l’apport des techniques liées au GPS.
X. Le Pichon